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Je pense avoir à peu près lu tout ce qui pouvait être lu au sujet de Pinterest ces dernières semaines. Le service est au sommet du hype et on ne compte plus les articles et présentations qui lui sont consacrés.

Nous avons tous vu passer les articles qui soulignent l’explosion carrément exponentielle du nombre de membres et de l’utilisation du service aux USA, chiffres confirmés dernièrement par comScore, même si ce phénomène ne semble pas encore être arrivé dans la vieille Europe.

Pinterest for Businesses. Really?

Mais c’est quand j’ai commencé à voir apparaître plusieurs présentations vendant les avantages et les opportunités d’utiliser Pinterest dans un contexte de business que j’ai commencé plus sérieusement à m’interroger. Si vous ne les avez pas vues encore, je vous invite à consulter les trois présentations “Pinterest for Businesses” dont la première est de Emmanuel Vivier, une autre par Gregory Pouy et enfin une dernière en Anglais par l’agence 6S Marketing.

Juste une mode ?

Ma première réaction, comme beaucoup je suppose, a été de considérer que cette phase de surmédiatisation de Pinterest était sans doute un effet de mode et qu’à l’instar de Quora, ce service allait sans doute disparaitre dans les 3 ou 6 prochains mois.

Sans trop entrer dans les détails, et pour faire court, voici les principales raisons pour lesquelles je doute des opportunités business de Pinterest dans l’état actuel des choses :

  • – Rappelez-moi à quel besoin correspond ce service ? OK, même si la même question pouvait être posée sur twitter il y a quatre ans de ça
  • – Aucune fonctionnalité qui ne soit pas déjà offerte par d’autres services, tumblr ou autres
  • – De “pin” en “repin” les liens initiaux vers les sites des marques et les sites marchands sont perdus
  • – Contrairement à tumblr, aucun moyen d’insérer des marqueurs Google Analytics
  • – Un format très simple, voire simpliste, en particulier dans le texte accompagnant un “pin”. Pur texte au kilomètre sans mise en forme
  • – L’interface utilisateur n’est pour l’instant que en Anglais
  • – C’est le dernier jouet chouchou de la Silicon Valley, et comme pour Quora ou Path, “on” passera rapidement à autre chose
  • – etc. on pourrait en lister encore beaucoup d’autres

Qui sont les utilisateurs ?

Et donc j’ai cherché à comprendre d’où venait cet engouement, et quel était le point de départ. J’ai aussi cherché à comprendre qui y fait quoi et comment autant de personnes peuvent passer autant de temps dans ce service. Le première donnée qui ressort de la majorité des articles c’est que l’audience de PInterest est très majoritairement féminine comme on peut aussi le voir sur cette infographie.

Et puis j’ai eu l’idée de fouiller un peu dans Google Correlate, et voilà ce que j’y ai trouvé. Ca vaut ce que ça vaut – et on sait via correlated.org combien certaines corrélations peuvent être farfelues – mais c’est un point de vue sur Pinterest que je n’ai vu dans aucun article et je pense qu’il est assez intéressant.

De façon complètement atypique, l’audience de Pinterest en Amérique du Nord est située principalement dans les états du centre, à cheval entre les région du Sud et du Midwest: Arkansas, Oklahoma, Mississippi, Tennessee, Alabama, et également l’Utah plus à l’ouest.

Ce schéma est particulièrement intéressant car je n’ai trouvé aucune autre startup ayant une répartition comparable : la quasi totalité des autres ont – toujours selon Google Correlate – des audiences réparties sur les états des côtes Ouest et Est mais assez faibles dans les états du centre.

Pinterest

Hint: Cliquez sur les visuels pour aller explorer les résultats de Google Correlate par vous-même. Scrollez en bas de page pour voir les graphiques avec le mapping sur les états US, en dessous de la liste des mots clé de recherche.

Vous pouvez le voir par vous même ci-dessous avec les résultats de recherche sur Quora, Instagram, Storify, etc. Ces régions sont d’ailleurs les mêmes que celles qui ressortent de Google Correlate sur les termes “startup” ou TechCrunch.

Quora

Instagram

Storify

TechCrunch

Ce que Google Correlate nous dit sur Pinterest

Autre chose intéressante que nous raconte Google Correlate, c’est justement les corrélations sur les autres termes et recherches dans le moteur. On y voit ainsi des corrélations avec :

– nursery ideas
– devotionals
– valentine gift ideas
– boy birthday party
– reasons to divorce (sic!?)

Pour ne pas louper un bon mot au sujet de la corrélation avec “reasons to divorce” : messieurs, si votre chère et tendre est fan de Pinterest et y passe beaucoup de temps, peut être devriez vous vous interroger… ;)

Ensuite, vous pouvez aussi faire des recherches sur les termes tels que “mortgage”, “refinance”, “debt”, “unemployment”, “homework”, “housekeeping” et vous verrez alors peut être apparaitre un pattern :)

Le mot de la fin

A la lumière de ceci, je pense que contrairement à d’autres startups qui ont connu la gloire via un billet sur TechCrunch ou à un flood par Robert Scoble, on dirait plutôt ici que Pinterest a trouvé son audience. Ou plus exactement on dirait que l’audience de Pinterest a trouvé l’outil dont elle s’est emparée et qu’elle a adopté au delà de tout effet de mode induit par les spécialistes et autres early adopters habituels de la Silicon Valley.

Du coup, je ne suis plus aussi convaincu que Pinterest aura disparu dans 3 ou 6 mois et que son audience et son succès ne sont qu’un bref phénomène de mode. Il me parait clair à présent que son interface et ses fonctionnalités hyper simples ont fait mouche et ont su séduire une audience qui n’aurait pas nécessairement pris le temps ou fait l’effort de se plonger dans tumblr, ou d’autres services similaires.

Pour autant, il n’en reste pas moins que pour le moment l’audience en France reste encore faible et que toutes les marques ou tous les secteurs ne sont pas égaux face à Pinterest. Si ça semble avoir beaucoup de sens pour Etsy ou des marques qui sont des annonceurs habituels des magazines féminins, ou dans une certaine mesure pour Whole Foods Market, j’y crois moins pour Easyjet ou des marques technologiques.

A suivre…

28 replies on “Comment je me suis – sans doute – trompé au sujet de Pinterest et pourquoi le service sera encore là dans six mois”

  1. Merci pour cet article. Un point de vue très juste par rapport à la population cible, les fonctionnalités (ou la recherche d’innovation) mais aussi l’usage…

    Je crois que Pinterest fait partie de ces outils qui ne révolutionnent pas le web mais la façon dont on consomme le contenu. Comme tu le dis si bien, Tumblr est relativement “compliqué” pour une personne qui veut simplement partager “le visuel”.

    D’autre part, comme toujours, les services web naissants (et nés aux US) ne connaissent pas la même audience d’un pays à l’autre et c’est d’autant plus vrai en France en ce qui concerne la courbe d’adoption. Facebook a mis 3-4 ans pour exploser en France. Dans le même ordre, Twitter conserve aussi aujourd’hui une audience très qualifiée mais deviendra-t-il massmarket ?

    Très vite j’ai écrit (voir le lien attaché à mon nom) sur l’usage pour une TPE-PME, je crois que Pinterest peut constituer une véritable opportunité si les produits existent mais qu’il y a effectivement encore une trop faible audience — à aujourd’hui — pour y voir un quelconque impact quantifiable au niveau business : une présence aujourd’hui peut être considérée comme de l’opportunisme en ce qui concerne le marché français.

    @phb

  2. @phb : Merci pour ton commentaire. On est bien d’accord, avec une audience en France estimée à moins de 300,000 comptes, dont une majorité de marketers, geeks, et autres social-media-machin dans mon style, la question de l’impact quantifiable pour un annonceur est plus que sérieuse.

    @naro : Simplement l’utilisation de Google Correlate “de base”, pas de magie cachée. Sauf que au lieu d’observer des corrélations dans le temps (comme par exemple entre “wedding” et “watermelons” ;)) là il s’agit d’utiliser le rendu de type “Compare US States”. Easy. http://www.fastcompany.com/1755287/google-correlate-tool-gives-marketers-powerful-new-data-mining-tools

    1. @Jacques : Ca ne change en rien que je ne suis pas près de conseiller une strat utilisant Pinterest à un client, grand petit ou moyen. Je dis juste que le service n’est pas le dernier jouet à la mode de la Silicon Valley et du fan club de TechCrunch et Robert Scoble, rien de plus ;)

  3. Je vois partout que Pinterest a une audience majoritairement féminine. Mais étant un peu chauvin j’ai jeté un oeil via adplanner sur la région “France” et là on passe à 72 % d’hommes. Je pense que l’information est tout de même à prendre en compte pour les marques hexagonales. Au passage si quelqu’un a un début d’explication sur ce chiffre ça m’intéresse.

  4. Même si l’audience est encore faible en France, étonnement les personnes qui s’y inscrivent dans mon entourage ne sont pas forcement des geeks, ou des web-marketers.
    Par contre ce sont en majorité des femmes.

    J’ai l’impression que Pinterest a surtout trouvé une place jusque là laissée vaquante, celle du scrapbooking online.

    Et je suis persuadé que les dévellopeurs de l’appli trouverons rapidement le moyen d’optimiser l’outils pour les marques

  5. @Olivier : Voilà on est d’accord : “Scrapbooking online” et oui il y a bien une audience pour celà, la preuve. Alors il y aura des marques et des produits pour lesquelles le lien avec Pinterest sera direct et évident, et d’autres moins, voire pas du tout.

    @NaY : Très juste pour Empire Avenue. Concernant Path… je crois que Loic Lemeur avait un peu tout dit : c’est l’archétype du club privé, mode VIP, et avec des échanges que l’on souhaite volontairement “privés”. Difficile pour les annonceurs de s’insérer sur ce créneau…

  6. Bravo sur cette analyse détaillée (et pour savoir changer d’avis aussi ;) )… Assez d’accord avec toi, enfin un outil dont le succès n’est pas liée au geek early adopter… Je pense que comme beaucoup de choses, il ne faut pas chercher à en faire LA solution mais une solution possible parmi les différents outils… Toute marque étant différente, il est indispensable que celles ci se posent la question quand à la pertinence (ex dans le food, la mode, la déco,..) pour son usage propre…

    1. @Bwaje : En effet je ne connaissais pas ce terme que j’ai découvert hier à l’occasion d’un échange au sujet de l’article justement.

      Il semble en effet que la corrélation soit (visuellement) assez bonne avec la Bible Belt + l’Utah qui est connu pour être l’état dans lequel se sont installés les Mormons. Au delà de cet aspect atypique – et sans doute un peu carricatural – qu’est-ce que vous en tirez comme enseignements ?

  7. Hello Christophe,
    je me comprends pas comment tu utilises Correlate pour definir une audience.

    Par definition, Google Correlate determine des correlations de tendances de recherches.

    Tout d’abord la quantification d’une recherche determine a mon sens plus une notoriete qu’une utilisation (cette derniere etant plutot definie par les visiteurs uniques, le nombre d’utilisateurs, et au mieux le nombre d’utilisateurs d’actif)

    De plus, la correlation ne demontre qu’une evolution comparable entre des recherches et non un comportement d’un groupe homogene.
    Ce ne sont pas les memes personnes qui tapent ces recherches, mais les variations de ces recherches qui sont comparables.
    Ex: prenons un evenement recurrant exceptionnel: la saint valentin. Il n’est guere etonannt de trouver une correlation entre l’evolution de la recherche “cadeau de saint valentin” en fevrier et l’evolution de la recherche Pinterest sur cette meme periode, du fait de sa soudaine nototriete.

    Tu remarqueras l’incogrute des correlations des differents servcies (instagram/makeup brush, Storify/In-Person).

    Dans les commentaires, j ai vu que certains utilises AdPlanner pour la definition demographique de l’audience, outil beaucoup plus pertinent (bien que a prendre a titre indicatif).

    Neanmoins je peux m etre trompe dans ma comprehension de correlate, n’hesite pas a me reprendre

    Cordialement

    Olivier

    1. Tiré de la FAQ : “The US states option lets you find queries which have similar state-by-state patterns” c’est bien là dessus que portent mes observations : les patterns de recherche pour la majorité des startups sont assez similaires, sauf pour Pinterest qui ressemble plus à la Bible Belt.

    2. Tiré du tutorial :

      Correlate by States
      The examples thus far have worked exclusively with time series. Google Correlate can also find queries whose popularity correlates with a data set across space rather than time.

  8. Quelqu’un pour expliquer pourquoi en France Pinterest est + utilisé par les hommes ?
    Aux US, si c’est la bible-belt – donc scrapbooking belt :D , en France serait-ce plus trusté par des bricoleurs du dimanche? des graphistes?…

    Quant aux fonctionnalités qui existeraient déjà sur d’autres sites, je dirais que ça ne fait pas tout. La présentation joue aussi un rôle. Si Tumblr peut faire la même chose, la présentation en blog empilé ne permet pas de voir autant de choses d’un simple coup d’oeil. Et ce côté blog empilé fait plus bordelique. Pour paraphraser Ikea, je dirais : Pinterest, rangez !

    En tant que graphiste, j’ai utilisé Pinterest 1 ou 2 fois pour trouver des styles d’objets ou d’aménagement intérieur. C’est aussi très pratique pour créer un moodboard puisque Pinterest en est déjà un.

  9. Belle et intéressante analyse, Christophe.
    Le succès de PinTerest pour moi s’explique assez facilement : c’est beau, c’est simple. C’est effectivement du “scrabooking online”, un genre d’Evernote pour tous. Je m’en sers par exemple pour stocker les “data vizualisations” qui me plaisent.
    Mais surtout, cela crée une sélection naturelle (!) : les passionnés de paysages par exemple “curent” les plus belles photos qu’ils trouvent et, de pintages en repintages, on aboutit à une sélection digne d’un editing pro. C’est bluffant. Comme un wikipedia de l’image… Et d’un seul coup d’oeil.

    Et puis, il y a le fameux bouton en regard des images. Autrement dit, la possibilité de republier sur son site des images magnifiques. Ce qui n’est pas aussi facile à faire depuis d’autres plateformes. En tant que photographe et graphiste, cela fait des années que je me fais piller, tout en étant consentant (je ne fais pas partie de ceux qui couinent sans arrêt parce qu’on leur vole des images obscurcies au trois quart par des mentions copyright…). Alors, de temps en temps, j’utilise à mon tour cette possibilité.

    Elevé au droit d’auteur entre deux cuillérées de copyright et “d’exception française”, cela m’apparaît toujours “limite” mais la “curation” est en marche. Et après tout, qui expose s’expose…
    http://www.blog.francis-leguen.com/le-copyright-est-mort-le-droit-dauteur-aussi/

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